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Le libre an Art et Stallman [was: Re: HS: A lire]



Salut,

Ca fait un moment que je voulais préciser mon propos à ce sujet, mais en
fait, je ne suis jamais sur mon PC le Vendredi, donc, disons que ce mail
est à lire avec un certain retard, étant donné son potentiel trollesque.

On Sun, Jan 17, 2010 at 01:28:46PM +0100, Serge SMEESTERS wrote :
> >> (ouf, il n'a pas trop parlé d'art !)
> 
> > Pourquoi ? C'est mal quand il parle d'art ?
> 
> Ce que j'ai compris aux dernière RMLL, à propos de l'art :
> 
> Il y a semble-t-il une volonté de certains artistes de rejoindre le
> mouvement "copyleft", avec les Creative Commons, notamment...
> 
> J'étais présent lors de discussion à ce sujet, et je voyais bien sur
> quoi ça coinçait...
> 
> Alors que les participants aux logiciels libres on totalement fait le
> deuil (quoi que, parfois...) de la partie rentière de la propriété
> intellectuelle et se contente (éventuellement) de la partie
> prestation, les artistes de part leur nature on difficile a y arriver.
> 
> Fondamentalement, il n'y a pas de différence... si ce n'est qu'un
> logiciel sert souvent à quelques choses de plus concret alors que
> l'œuvre purement artistique à souvent une bonne part de narcissisme
> dans sa raison d'être. Un artiste aura vraiment mal au cœur de voir
> quelqu'un d'autre "tourner" autour d'une partie de son âme ou autres
> émanation "divine" d'un esprit géniale :/
> 
> Et je pense bien que ça se retrouve également du côté des logiciels...
> Les logiciels libres proposent d'aller au-delà, de se "contenter"
> (d'un point de vue narcissique) de la simple reconnaissance, pérennité
> du logiciel.

Alors, pour préciser, donc un peu. Effectivement, il y a un mouvement
assez important d'artistes qui se tournent vers des solutions Copyleft,
ou libres (genre Creative Commons, puisqu'une seule de leurs licences
est copyleft). C'est particulièrement vrai pour les arts numériques
et/ou facilement numérisables.
J'en suis depuis plusieurs années, et en fait, mes contributions sur
cette liste sont très souvent liées à mon travail de chargé de
production au sein d'un label/tourneur/collectif d'artistes sous
licences libres.

L'un des problèmes est effectivement le manque d'allant pour finalement
lâcher l'affaire sur ce que tu appelles la partie rentière de la
propriété intellectuelle. A mon sens, cela est pas mal dû aux Creative
Commons qui proposent des clauses à la licence de base, notamment une
clause de non-utilisation commerciale. A partir de là, on a dit à peu
près tout ce qu'il y avait à dire : l'artiste est OK pour être libre car
ça va tout à fait dans une certaine mouvance d'art alternatif (le punk,
etc.), mais fuck le system : pas question que quelqu'un fasse du fric
sur mon dos. En fait, c'est doublement pervers :
1. Ca brouille les pistes et rend plus difficile à comprendre l'essence
du copyleft, qu'on peut par exemple trouver dans la licence Art Libre. 
2. Si l'on peut imaginer que "fuck the system: pas de pognon sur mon
dos" est presque noble, il cache en fait, en général, une forme de
narcissisme (je dirais plutôt de jalousie), car en gros "il est hros de
question de faire du pognon sur mon dos si moi-même je ne m'en fais
pas". Demandez à ces artistes s'ils sont OK pour avoir un manager, un
distributeur, un tourneur, ou quoi, et vous verrez qu'ils diront tous
oui.....
Bref.
Voilà où on en était.
Mais HADOPI est arrivé, levée de bouclier (normal), et en pratique la
question de la rémunération des artistes est tombée. La présentation
d'alternatives à HADOPI a fait mirroiter qu'on pourrait rémunérer des
artistes, y compris des artistes libres, pour leur création, cette
rémunération prenant des formes de redevances (perçues après coup).
Un certain nombre d'artistes du libre (en particulier, ceux-là même qui
sont allés sur du CC-by-nc plus par jalousie que par esprit punk) se
sont rués dessus, l'opportunité de toucher des sous de cette manière en
pouvant continuer à dire "fuck la SACEM, la SACD, etc." étant très
tentante.
En fait, là où le bât blesse c'est que :
1. Cette rémunération a posteriori est supposée aider/favoriser la
création. Or rien ne prouve que celui qui a créé recrééera, et, de toute
façon, on est dans la certitude totale de louper les créateurs à venir
pour les aider dans leur démarche.
2. Le fait de se poser la question de la rémunération des artistes est
légitime, mais celui d'imaginer une solution qui semble universelle n'a
pas de sens. Il y a de fortes différences entre un plasticien, un
auteur, un compositeur... Et puis il y a des différences entre un
musicien américain et un musicien français, par exemple.
3. Corollaire : il eût été intéressant d'observer l'existant
(intermittence du spectacle, artistes fonctionnaires -conservatoire-,
maison des artistes, etc.) et de se demander quels étaient réellement
les manques.
4. La question se pose surtout pour les créateurs n'interprétant pas
leur création. A mon sens, le principe de commande (je te commande un
texte, tu m'achètes un texte, et tu fais du libre avec) était le plus
pertinent, les arguments qu'on m'a tenus face à ça sont ineptes, et je
ne suis même pas à même de vous les présenter correctement.

Bon, donc, clairement, le premier semestre 2009 était un peu tendu dans
le milieu de l'art libre.

Là-dessus, tombe une initiative, le mécénat global, un principe de dons
qui seraient redistribués de manière non-équitables entre les artsites
en fonction (logarithmique, ou racine cubique) de leur popularité. Il
s'agirait d'un système en ligne, avec en gros, un bouton pour donner et
youpi.

Entre autres choses, c'est ça que Stallman a défendu lors de sa
conférence à Nantes. Ca, et le fait qu'en art, l'artiste devrait garder
des droits exclusifs sur ses oeuvres pendant 10 ans, et après => domaine
public. Le prétexte : il n'y a pas d'urgence à libérer les oeuvres. Je
pense qu'un artiste (mal informé) pourrait tenir le même discours à
propos de l'informatique. Il est clairement utile, sinon nécessaire, à
la communauté que les oeuvres soient libres dès le départ, qu'elles
s'insèrent au plus vite dans un flux qu'Antoine Moreau nomme l'Art et
qu'elles ne le stoppent pas, bref, qu'elles participent à une dynamique
de création salvatrice. 
Et puis, le problème était toujours le même, cette solution ne concerne
que les arts numériques ou numérisables simplement, et du coup qui d des
autres (comme le théâtre), puisque cette solution prétend
(implicitement) à une forme d'universalité de la rémunération artistique
?
Quand j'ai posé la question à Stallman en prenant l'exemple du théâtre,
il m'a répondu que tous les arts n'avaient pas être libre, en
particulier le théâtre n'avait pas à l'être !!!!
S'il y a bien un art qui est naturellement et depuis toujours libre (y
compris depuis Beaumarchais, il a gardé intrinsèquement quelque chose de
libre), c'est bien le théâtre : on passe son temps à interpréter,
ré-interpréter, modifier le texte, la mise en scène, etc.
Bref, pour moi, ça a été la dégringolade (je place Stallman très haut
dans mon estime, mais là....).

Bon, derrière, je vous raconte pas la gueule du second semestre 2009
dans la communauté de l'art libre (en France, en tout cas).

Donc voilà, le pourquoi de ma remarque.
Ce qui est inquiétant, c'est que rien n'est terminé, et qu'à mon avis,
ça va revenir en force, notamment aux RMLL 2010.


> 
> Ça, c'est ce que j'ai cru comprendre, pour l'instant, ...
> 
> Bernard Stiegler était là, et j'aimais vraiment beaucoup ce qu'il
> disait à ce sujet...
> → http://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard_Stiegler

Alors, là par contre, perso, je n'ai pas apprécié du tout. J'ai vraiment
pris son intérêt à la chose comme un intérêt tardif, dicté par le fait
qu'HADOPI soit arrivé et médiatisé (ainsi que le libre via deux députés
au moins). Son logiciel d'analyse cinématographique est un logiciel 
privateur. Son analyse cinamétographique en elle-même est privatrice.
Ses histoires sur le livret avec les partitions, etc. c'est transformer
l'art en maths, afin que pouvoir cartésiennement le décrire. Le fait est
que ça ne fonctionne pas tout à fait de cette manière. Je ne prétends
pas que c'est magique, il y a des choses qu'on peut décrire, etc., mais
ça n'est pas ça qui fait q'on accroche ou non à une oeuvre. Qu'il faille
un contexte, une éducation à la culture, c'est-à-dire en avoir vu, lu et
entendu beaucoup, c'est certain. Qu'il faille décrire les techniques
stylistiques pour apprécier l'art, c'est de la merde en boîte. L'avant
garde artistique (musique contemporaine, dadaïsme, ...) ont toujours
rompu les codes et étaient impossibles à décrire avant qu'on veuille les
ranger au rang de standard. Ca n'empêche qu'il était tout à fait
possible d'accrocher sur cela. Bref, le discours de Stiegler mène à une
catégorisation et une hiérarchie de l'art, ça n'est pas bon, et ça n'est
certainement pas le fait d'avoir un livret avec les partitions des 1ers
violons de la 9e de Beethoven qui fait de quelqu'un un mélomane.
Ca supposerait, pour faire le parallèle avec l'informatique, que seule
la personne ayant lu le code source d'OpenOffice est susceptible de
trouver que c'est un bon logiciel de bureautique. C'est faux.
En fait, Stiegler a voulu, à mon avis pour faire du pied aux
informaticiens, faire une transposition de l'open-source en libre.
Pourquoi pas, nous mettons nos partitions, nos pistes d'instruments, les
sessions des enregistrements multipistes, etc. en ligne, notre musique
est open-source. Mais il n'est pas obligatoire d'avoir lu et utilisé
tout ça pour écouter et apprécier notre musique (j'espère).


Un dernier point : en art, c'est les régions, les communautés, les
communautés de comunes, et éventuellement les départements qui comptent.
Pas les députés. Les députés ne font rien pour l'art concrètement. Ils
en parlent, éventuellement, ça peut un peu impacter sur le ministère de
la culture et donc sur ses antennes régionales (DRAC) qui ne concernent
qu'un nombre très limité d'artistes qui font plus de soirées pièces
montées et petits fours que d'action artistique à proprement parler.


Bon, c'est putain de long ce que je viens de vous écrire, c'est un
manifeste, quoi !

Tcho !


> 
> 
> Mince, on est pas vendredi !?.
> 
> Bon, je sort → []
> 
> 
> Serge S.
> 
> --
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-- 
Aurélien


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